Une terre sauvage, des forêts sombres à perte de vue, un temps menaçant et des habitants méfiants. Voici le décor dans lequel nous nous sommes plongés dans les montagnes Poconos en Pennsylvanie. A la tombée de la nuit, alors que David et moi pensions enfin échapper à la tyrannie de la ville, je frappe à la porte d’une maison reculée dans les sapins. « Vous avez de la chance d’avoir frappé à notre porte ! Mon voisin vous aurait sans doute accueilli au fusil. » On voulait de l’eau et reçu en échange une précieuse mise en garde. Ne pas traîner donc…
Aussi somptueuse que glaçante, la région abrite pourtant quelques trésors d’exploration. Des hôtels abandonnés par dizaines. A quelques 80 miles de NYC, les Poconos étaient très fréquentées avant que l’avion ne mène les familles et les jeunes mariés vers des destinations plus exotiques. On y venait skier, jouer au golf et se détendre dans des jacuzzis en pleine nature. Aujourd’hui, on y manie le fusil pendant que les complexes hôteliers cherchent repreneurs.
Le Buck Hill Inn est l’un d’entre eux. Marqué d’une cible noire sur la carte de David, il n’est à louper sous aucun prétexte.
On a mis le réveil à 6h ce matin-là. Pas franchement réveillé, on se gare dans le village voisin et partons à pied. La route est mince et nous complètement à découvert. En repérage la veille, on a constaté un inconvénient de taille. Le Buck Hill Inn est à l’intérieur de ce que les américains appellent une « private community ». C’est un morceau de terrain sur lequel plusieurs maisons cossues sont surveillées par des patrouilles privées.
Pas étonnant vu la réputation de l’hôtel. Hanté, il attire tous les ghost hunters du pays et en 2001, MTV y a même prouvé la présence de fantômes dans une émission enregistrée sur place.
Devant la grande arche en pierre sur laquelle est taillé le nom de l’hôtel, une voiture de sécurité fait déjà le pied de grue de bon matin. Pour s’approcher sans être vu, il faut faire un gros détour à travers les bois marécageux et passer sans se faire voir devant les villas. En redoublant de prudence, on cavale par étape entre les branchages et arrivons au pied du bâtiment les chaussures trempées. A première vue, les fenêtres sont toutes murées et pas une faille ne nous permet de rentrer à l’intérieur. Mais en rampant un peu plus loin, David trouve enfin la brèche. Un mur en pierre de deux mètres retombe directement dans la piscine du rez-de-chaussée. Sans rien dans le ventre, je sens mes forces me lâcher. « Je vais pas y arriver » dis-je à David. Pas le choix, il me hisse alors de tout mon long en haut du mur. La visite peut commencer.
Sur d’anciennes brochures retrouvées dans un bureau, des aquarelles vantent le prestige de cet hôtel aux deux terrains de golf et à la patinoire intérieure. Fermé depuis 1993, l’hôtel a été revendu deux fois mais toujours rien n’y a été entrepris. Sur les cinq étages de l’hôtel, les lits ont quasiment tous disparu et beaucoup de gravas encombrent les pièces. Un décor bien triste si Shinda ne venait pas y mettre un peu de piquant. Shinda, c’est le sulfureux nom de notre nouveau personnage. Une créature extra-terrestre au grand cœur qui se nourrit de la tristesse des bâtiments qu’elle occupe. Nous l’avons kidnappée dans un hôtel du New Jersey et la faisons poser gratuitement sur nos photos. J’espère que vous l’aimerez autant que nous.
En passant devant la chambre 354, je fais signe à David de s’arrêter. Ici la légende veut qu’une jeune mariée se soit faîte découper la veille de son mariage. Des explorateurs ont versé de la peinture rouge sur les murs pour des mises en scène douteuses. Oreilles et yeux ouverts, je scrute le moindre signe de l’au-delà. Rien. En exploration, David et moi parlons toujours tout bas, afin d’entendre si quelqu’un vient ou si une voiture se gare, ce qui ne fait qu’augmenter notre paranoïa. « Tu as entendu quelque chose ? » dit l’un quand l’autre se fige. « Non, je crois que c’est rien. » Aujourd’hui, ni flics, ni esprits ne nous apparaissent.
Après quatre heures de visite et de photos, on ressort avec tout autant de précautions qu’à l’aller.
De retour au village, notre van n’est une fois de plus pas passé inaperçu. Le patron de l’hôtel a prévenu le sheriff qu’un van est garé là depuis 7h ce matin et qu’il ne sait pas qui c’est. Une situation peu pensable en France mais bien réelle aux Etats-Unis. Dans ces endroits peu touristiques, tout ce qui dépasse se remarque, et l’on doit bien souvent faire face aux interrogations des habitants. « What are you doing here? » nous demandent-ils tous curieux. « … Visiting.» Pas vraiment la réponse idéale mais « Trespassing private properties » étant une bien moins bonne option, on se contente de la première.
Vivre clandestinement dans un pays sécuritaire est un combat permanent duquel David et moi avons cherché à nous échapper durant 24 heures dans le parc naturel de Hickory Run. 24 heures de paix, de lac et de soleil avant de repartir de plus belle.
Ces derniers jours, on a eu le plaisir de démarrer notre blog Libération. Il se penche plus précisément sur l’histoire de certains lieux au passé remarquable et le journal a tenu à l’appeler DEFENSE D’ENTRER. Si vous voulez y jeter un oeil, c’est par ici : defense.blogs.liberation.fr.
A wild land, dark forests, a threatening weather and suspicious people. This is the setting in which we were immersed in the Pocono Mountains in Pennsylvania. At nightfall, while David and I thought we finally escaped the city, I knock at the door of a remote house in the trees. « You’re lucky you knocked at our door! My neighbor would have probably welcomed you with a rifle. » We wanted water and got a valuable warning in exchange. Do not hang around so…
As beautiful and scary as it can be, the region has also some treasures to explore. Abandoned hotels. About 80 miles away from NYC, the Poconos were well visited before the plane took families and honeymooners to more exotic destinations. People came to ski, play golf and relax in open air jacuzzis. Today, people handle rifles while the resorts are seeking new buyers.
Buck Hill Inn is one of them. Marked with a black target on David’s map, it is not to miss under any circumstances.
We set the alarm at 6am that morning. Not really awake, we park in the nearby village and start walking. The road is thin and we are completely exposed. Scouting the day before, we were surprised to see that Buck Hill Inn is within what Americans call a « private community ». This is a piece of land on which several luxurious houses are watched by private patrols.
Not very surprising given the reputation of the hotel. Haunted, it attracts all the ghost hunters of the country and in 2001, MTV has even shown the presence of ghosts in a program recorded here.
Under the great stone arch on which is carved the name of the hotel, a patrol car is already at work. To approach without being seen, it is necessary to make a big detour through the swampy woods and go without being seen in front of the villas. With caution, we run step by the step between branches and arrive at the foot of the building with soaked shoes. At first glance, all the windows are sealed and nothing allows us to go inside. We crawl a little farther and David finally finds the gap. A two meters high stone wall falls directly into the pool on the ground floor. Starving, I feel like I am not gonna make it. « I will not do it », I say to David. No choice, he pulls me up on the wall. The tour can begin.
On older brochures found in an office, watercolor drawings illustrate the prestige of this hotel with two golf courses and indoor skating ring. Closed since 1993, the hotel was sold twice but still nothing has been done. On the five floors, the beds have almost all disappeared and rooms are filled with rubbles. A sad decor if Shinda did not come to spice it a little bit. Shinda is the name of our new character. An alien creature with a big heart who feed on the sadness of the buildings she lives in. We kidnapped her at a hotel in New Jersey and make her pose for free on our pictures. I hope you like her as much as we do.
Passing the 354 room, I tell David to stop. Here, the legend tells that a young bride was killed on her wedding’s eve. Explorers poured red paint on the walls to make it look scary. Ears and eyes open, I wait for the slightest sign of afterlife. Nothing. Exploring, David and I always talk very quietly, to hear if someone comes or if a car pulls and it only increase our paranoia. « You heard something? » says one when the other stops. « No, I think it’s nothing. » Today, neither police nor spirits appeared to us.
After four hours of visit and photographs, we leave the hotel as discretely as we came.Back in the village, our van is once again not gone unnoticed. The owner of the restaurant in front warned the sheriff that a van was parked there since 7am this morning and he does not know who that is. Unconceivable in France, this situation is real in the United States. In those places where few tourist pass by, anything unknown attracts the attention, and we must often deal with the questions of the people. « What are you doing here? » « Visiting… » Not really the ideal answer but « Trespassing private properties » is a much worse option, so we stick to the first.
Living illegally in the US is a constant struggle which David and I have tried to escape during 24 hours in the natural park of Hickory Run. 24 hours of peace, lake and sun before hitting the road again.
au top mela…! quelle aventure…