Whiskey and Bridges

Whiskey and Bridges

Nous sommes de retour à New York depuis 24h quand je reçois l’appel de Steve Duncan, urbaniste et explorateur. En attendant, on s’était offert une petite virée en haut du Parker Meridien dont la piscine, ouverte aux clients de l’hôtel, l’est aussi à ceux qui s’aventurent au 43e étage. Nous avions nagé dans l’eau salée en regardant la ville illuminée à nos pieds sans être inquiétés. « We open at 6 tomorrow morning » me dit l’employée de l’hôtel en nous mettant dehors à 23h. « Thank you » répondis-je poliment ma serviette Meridien autour du cou. Nous nous apprêtions à rentrer nous coucher sans pousser l’exploration plus loin quand le téléphone a alors sonné.

Urban Escape | Whiskey and Bridges n°1

A l’autre bout du fil, Steve me fait une forte impression. Nous étions impatients de rencontrer ce passionné d’égouts et de ponts sur lequel j’avais lu tant d’histoires dans Hidden Cities ! Il me parle technique, crochetage, lampe torche et veut tout savoir de notre projet. Il pourrait aussi bien aller se coucher maintenant et nous voir demain, mais il a envie d’aller de tenter l’ascension du Queensboro Bridge qui relie Manhattan au Queens. David et moi n’hésitons pas longtemps et passons le chercher chez lui à Brooklyn. Steve nous prévient « Cela fait des années que je n’ai pas monté ce pont car ils ont cadenassé les piliers. On a 50% de chances d’y arriver ». Il est le personnage haut en couleur que nous imaginions, partant dans des délires insensés, mais passionnant. Le Queensboro Bridge n’est pas un pont à suspension comme ses frères, plus bas sur l’East River, mais un pont cantilever, c’est à dire en porte-à-faux, nous explique-t-il. Au pied du pont, Steve me demande de prendre sa bouteille de Old Williamsburg dans mon sac. Je cale difficilement le whiskey à côté de mon NIKON après nous en être servi une petite rasade. C’est la deuxième fois que je grimpe un pont et la première fois que je bois de l’alcool à 50 degrés juste avant.

Quelques minutes plus tard, magie, le Queensboro Bridge que l’on n’avait pas inscrit sur notre programme s’ouvre à nous. Steve, extatique, reprend une gorgée de Williamsburg. Cette fois, pas de risques d’être vus car nous grimpons une échelle à l’intérieur du pilier. En ne regardant que les images filmées par David, on pourrait se croire à l’intérieur d’un sous-marin.

Urban Escape | Whiskey and Bridges n°2

De longues minutes d’escalade plus tard et j’ouvre une petite porte sur le vide. Je pense alors qu’il est impossible de continuer quand Steve, euphorique, me crie en se pendant dans le vide « Que penses-tu Mélanie ? Allons-nous monter plus haut?  Est-ce la fin ou pas ? ». Je suis déconcertée et me demande bien ce qu’il va se passer. Lui, enjambe déjà des trous d’un mètre sur la structure pour accéder à l’autre côté de la plateforme. Je me cramponne de plus belle et ne regarde pas en bas pour rester calme. Quelques échelles et escaliers plus tard, on est en haut. Contrairement au Manhattan Bridge, la surface est grande et on peut facilement se balader dessus pour admirer le paysage. Steve nous dispense un cours d’urbanisme pas comme les autres. Selon lui, les villes américaines sont toutes des jardins d’enfants à côté de NYC.

Urban Escape | Whiskey and Bridges n°3

Le ciel indique que le jour va se lever, il faut redescendre par là où l’on est venu.

Sur le pont piéton en bas du pilier, les new-yorkais vont bosser à vélo, alors que nous n’avons pas encore dormi. L’aventure continuera encore un peu car Steve, qui entre temps titube, veut aller voir des entrées d’égout. Il nous guide dans le Queens pendant que je m’endors à l’arrière de la voiture…

Avant de quitter New York City définitivement, il nous reste une chose à faire. Des beaux travellings de ponts et de rues. Cette manœuvre que l’on pensait aisée au début, nous a donné bien du fil à retordre cette nuit-là. Le grand angle calé dans les portes battantes à l’arrière du van, David fait un petit tour de block. Je frissonne à l’idée de le voir tomber par terre, mais l’appareil est stable et l’image pour peu qu’il n’y ai pas trop de dos d’âne donne une impression de vitesse très esthétique. Un autre test, au-dessus du van, objectif vers le ciel et c’est parti.  Mais c’était sans compter sur le piteux état des rues de Manhattan. Elles sont si cabossées qu’il est impossible d’obtenir une image stable, même pas sur la 5e avenue. Mais comment font-ils dans les films ? On sauve l’honneur en finissant les travellings à main levée depuis la fenêtre, au moins nos bras amortissent mieux les chocs. La photo ci-dessous est tirée d’un travelling fait dans Lower Manhattan, à gauche, on y voit la Freedom Tower, à l’emplacement des anciennes tours du World Trade Center.

 Urban Escape | Whiskey and Bridges n°4

Sur la liste des cent lieux à explorer aux Etats-Unis, dix sont déjà derrière nous et la police n’est jamais loin. Le prochain est un hôpital à vingt miles de New York, toujours dans le New Jersey.

L’après-midi, David avait repéré une jolie clairière pour passer la nuit près de l’hôpital dans le but d’y aller le lendemain. Pour une fois, on se réjouissait d’éviter le camping parking. Vers minuit, on avance le van dans un chemin boisé au bord de la route. Malheureusement pour nous, une voiture de police passe juste à côté et je vois David baisser la tête, on est cuit. Gyrophares. La flic, méfiante, veut tous nos papiers et fait des allers-retours sans cesse vers sa voiture. Au dos du papier de location du van, David avait inscrit toutes ses coordonnées GPS avec les endroits que nous allons visiter dont Greystone ! Pourvu qu’elle ne retourne pas la feuille. Je finis par lui demander ce qui cloche « On s’est juste arrêté là pour manger un sandwich avant de repartir ». Je tente toujours… Mais les flics ne sont pas cons. Ce chemin public est juste à côté d’un hôpital très couru des explorateurs et on est samedi soir, encore plus louche. Depuis la vitre droite, un autre flic nous éblouit avec sa lampe « Que faites-vous avec ces casques de chantiers dans la voiture ? ». Et mince, ils sont bien curieux ces flics. Cette fois, c’est sûr, ils se doutent bien de nos intentions et compromettent définitivement nos chances de réussir cette exploration. « Je veux juste vous éviter de vous faire arrêter » dit le flic en nous laissant repartir penauds. La clairière bucolique sera pour une autre fois. Quant à l’hôpital, on a décidé d’y renoncer… mais d’autres nous attendent sur le chemin.

Avec nous en voiture, de nouveaux accessoires achetés à New York chez Party City. Une belle perruque rouge, un tutu et une cape de Chaperon Rouge viendront mettre un peu de couleur dans les friches ou sur les voitures de police comme sur cette photo prise à Parsipanny !

Urban Escape | Whiskey and Bridges n°5

We’re back in New York since 24 hours when I get a call from Steve Duncan, urbanist and explorer. Meanwhile, we had taken a little swim on the top of the Parker Meridien hotel. Open to hotel guests, the pool is also open for visitors who venture on the 43rd floor. We swum quietly in salted water watching the illuminated city around us. « We open at 6 tomorrow morning » said an employee of the hotel, kicking us out at 11pm. « Thank you » I replied politely the Meriden towel around my neck. We were about to go to bed without exploring any further when the phone rang.

At the other end, Steve gave me a strong impression. We were eager to meet this passionate sewers and bridges addict on which I had read so much stories in Hidden Cities! He tells me about climbing, flashlight, manholes and wants to know everything about our project. He might as well go to bed now and see us tomorrow, but he wants to try to climb the Queensboro Bridge, which connects Manhattan to Queens. David and I did not hesitate very long and picked him in Brooklyn. Steve warns us, « I haven’t climbed this bridge in years because they locked the pillars. There’s only 50% chance of getting there ». He is the colorful character we imagined, loosing us in delirious and delightful stories. The Queensboro Bridge is not a suspension bridge like its brothers on the lower East River, but a cantilever bridge, he explains. Once there, Steve asked me to take his bottle of Old Williamsburg in my bag. I squizze the whiskey beside my camera after having a few sip. This is the second time I climb a bridge and the first time I drink 50 degrees alcohol just before.

A few minutes later, the Queensboro Bridge opens up. Steve, ecstatic, takes a sip of Williamsburg. This time, no chance to be seen, we climb a ladder inside the pillar. When you look at David’s picture in there, you could imagine a submarine.

Long minutes of climbing later, I opened a small door at the top. I think there is no way to continue when Steve, euphoric, shouts at me « Why did you take us there Melanie? Are you mad? Are we gonna go up or not? ». I am confused and wonder what’s going to happen. A second later, he already spans one meter wholes on the structure to reach the other side of the platform. I do not look down to stay calm. Some more ladders and stairs and we are on top. Unlike the Manhattan Bridge, the area is spacious and you can easily walk on it to admire the view. Steve teaches us urban planning like no one else. According to him, American cities are all kindergartens next to NYC.

At 5, the sky tells us the sun is going to rise, we must come down from where we came.

At the bottom, New Yorkers are biking to work, we have not slept yet. This crazy adventure will continue a little further because Steve, who staggers meanwhile, wants to check some sewer entrances. He guides us through Queens while I fall asleep at the back of the car…

Before leaving New York City, we have one last thing to do. Fine travelling shots of bridges and streets. We thought this maneuver would be easy but it gave us much of a headache that night. The wide angle wedged between the swing doors in the back of the van, David made a small tour of the block. I shudder at the thought of seeing it fall down, but the camera is stable and the image as long as there is not too many bumps gives a very nice impression of speed. Another test, above the van lense toward the sky and we’re ok! It was without counting on the poor condition of the streets of Manhattan. They are so battered that it is impossible to get a stable image even on 5th Avenue. How do they do in the movies? We sadly finished the shots manually from the window, at least our arms absorb better the shocks. The photo below is taken from a traveling done in Lower Manhattan, on the left, we see the Freedom Tower at the site of the old tower of the World Trade Center.

On the list of places to explore in the United States, ten are already behind us and the police is never far away. The next one is a hospital 20 miles away from New York, still in New Jersey.

During the afternoon, David had spotted a nice clearing to spend the night near the hospital in order to go explore the next day. We were looking forward to avoid the usual « camping parking lot » combination. Around midnight, we drive the van onto a wooded path along the road. Unfortunately for us, a police car comes at this moment and I see David sighing. Revolving lights. The cop, suspicious, wants all our papers and goes constantly between our car and her car. At the back of the van’s rental agreement, David had handwrited all his GPS coordinates with the places we visit including Greystone! We pray so that she doesn’t look at it! I eventually ask her if anything’s wrong « We just stopped there to eat a sandwich before going further » I’m just trying… But the cops are not stupid. This public path is right next to a hospital, very popular among explorers and it’s Saturday night, even more suspicious. At the right window, another cop dazzles us with his lamp « What do you do with these helmets in the car? ». Well, cops are very curious… This time, for sure, they know our intentions and definitely spoil our chances of exploring this place. « I just say this to avoid you being arrested », said the cop. The bucolic clearing will be for another time. And concerning the hospital we ‘d better give it up… but others will be on the road ahead.

With us on board, new costumes purchased at Party City in New York. A beautiful red wig, a tutu and a Red Riding Wood cape which will put some color in the ruins or on police cars as in this photo taken in Parsippany!

4 Commentaires

  1. PdeR · 13/08/2013 Reply

    Sympa la photo sur la voiture de police, et les policiers aussi d’ailleurs !!
    J’adore ta perruque Mélanie
    Très belle prise de vue sur le pont, accompagnée du suspens des textes.
    Anita

  2. Franck · 14/08/2013 Reply

    Je lis vos récits comme une histoire à suspense [d’accord avec Anita!] et je savoure les chapitres au fur et à mesure.
    Les images qui accompagnent sont superbes.

    Dire que ça n’est que le début..

    Bonne continuation et bonnes découvertes!
    Franck

  3. Robin · 14/08/2013 Reply

    Plus je vous lis, plus ça me rappelle de bon souvenirs.
    Arrivé à la fin de chaque article, je redevient un enfant à qui on a raconté l’histoire du soir : j’en veux plus, encore !

    PS : Depuis le début, les photos sont magnifiques. Et ça fait plaisir de voir enfin David sur des photos d’explo.

  4. Pierre · 15/08/2013 Reply

    Super projet, et une belle réalisation en cours. Des textes frais comme si on y était. Des photos qui me font penser à Meffre & Marchand dans leur magnifique bouquin « Detroit, vestiges du rêve américain », mais pas que.
    Vivement la suite, même si je n’ai pas eu connaissance du projet et donc pas pu participer à son financement, je me sens un peu comme un pirate, mais je suis très content d’embarquer tout de même avec vous.
    Bonne route. 🙂

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